Le mystère de la rue Sainte-Sabine

Une rue comme une veine atrophiée.

Une rue qui s’effiloche, qui ne tient qu’à un fil.

La rue Sainte-Sabine à Olot. Carrer Santa-Sabina en catalan.

Un nom de sainte et la forme d’un os, d’une relique.

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Une rue que les cartes officielles signalent pleine, sans effilure,

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mais que Google laisse blanche au milieu, comme pour nous ouvrir au mystère.

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Sur Streetview, le mystère prend forme : la rue a totalement disparu entre ses numéros 15 et 29.

Il n’y a plus rien, plus l’ombre d’un immeuble, pas même le souvenir d’un tracé.

Juste une prairie d’herbes hautes, une mer intérieure dans laquelle Sainte Sabine se serait noyée.

D’une rive, on peut voir :

un chemin qui prend l’eau et s’efface,

le nom Carrer Santa Sabina tendu sur une ligne invisible,

et la silhouette d’un vieil homme au seuil de sa maison, portier discret de ce Léthé vert.

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Sur l’autre  :

la porte d’un garage,

des voitures en travers

avec au fond la carcasse d’un immeuble de briques en construction.

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La rue s’arrête net mais il y a un chemin aux coquelicots, comme une promesse, sur la droite.

J’ai envie de le suivre alors je vais sur le terrain, l’autre, celui que l’on foule.

Sur place, la saison n’est pas la même.

La terre est nue, c’est l’hiver.

L’immeuble du fond est désormais habité.

Je me demande ce que devient le vieillard à la canne.

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Le chemin me mène à une pierre plantée dans le sol.

Borne cadastrale ?

Pierre tombale oubliée ?

Limite de deux mondes ?

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Je la laisse à ses énigmes et marche vers une brèche qui  s’ouvre, plus loin, dans le mur,

barrée d’une tige de lierre.

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En lui tournant le dos, je découvre d’un coup une bande d’herbe et de terre tassée,

un passage jusque là soustrait au regard,

un passage que la perspective me cachait,

comme un bras tendu vers le volcan Montolivet.

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Je reste un temps dans la lumière entre deux terres.

La vie de flâneur est ainsi faite : on cherche une rue et, dans le blanc de sa disparition, on trouve un chemin à la perpendiculaire de son fantôme.

[Ce texte appartient à la série La rue où Google s’est arrêté initiée à Olot à la Faber Residency en janvier 2017]

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